Il est de ces journées où tout semble gris, où tout ne semble que brouillard et incertitude. Il est de ces journées où l’on se questionne, sans connaitre les réponses, et sans savoir à quel moment elles se pointeront, ces réponses.
Il est de ces journées où l’on reçoit un courriel de la part d’une femme qui se donne une mission sociale d’informer la population sur ce qu’est l’autisme. Parce que c’est une femme fonceuse, généreuse; de son temps, de son énergie, de son sourire, de sa force. Parce que sa fille est autiste. Parce qu’elle est la maman d’une fille autiste. Ce qui fait en sorte que son quotidien est différent d’une maman qui a un enfant pas autiste, voire « normal » (Je déteste ce mot, je déteste cette connotation de normalité, de ce qui devrait être, de ce qu’on devrait tendre à être. Je déteste ce mot qui renvoie à des calculs statistiques, à une moyenne, à une norme établie par des gens tout sauf normaux, qui tentent de tout généraliser à une population dont aucun de ses membres ne correspond à cette norme). Mais elle reste malgré tout une maman normale. Qui m’a fait parvenir un courriel, qu’elle a récupéré d’une amie qui l’a eu de sa nièce qui l’avait eu de l’homme qui a vu l’homme qui a entrevu l’ours.
Il en est de ces journées où tout est moins gris, où le brouillard se dissipe, où l’on trouve des réponses là où on n’avait même pas pensé chercher.
« Je suis une maman comme les autres
Je suis une maman.
Je suis une maman de 44 ans.
Je suis une maman de deux jeunes enfants de 7 ans et 5 ans.
Je suis une maman comme les autres.
Je suis une maman comme les autres, et pourtant…
Je suis une maman comme les autres, et pourtant certains jours je sens le regard de tristesse provenant de proche, ou même d’étranger.
Je suis une maman comme les autres, et pourtant on me dit “courageuse”.
Je suis une maman comme les autres, et pourtant parfois j’entends entre les lignes “pauvre elle”.
Je suis une maman comme les autres, et pourtant on me dit qu’on ne changerait pas de place avec moi.
Je suis une maman comme les autres parfois courageuse, parfois triste, parfois joyeuse, parfois dépassée, parfois surchargée.
Je suis une maman comme les autres… avec des enfants pas comme les autres.
Je suis une maman comme les autres… qui ne vit pas comme les autres.
Je suis maman d’un enfant handicapé. Je suis maman d’un enfant autiste.
A.U.T.I.S.M.E
Un trouble faisait partie de ce qu’on appelle les Troubles Envahissants du Développement (TED) ou du Trouble du Spectre Autistique (TSA) si vous préférez la nouvelle appellation à la mode.
A.U.T.I.S.M.E
Un trouble neurologique affectant les sphères du développement d’un enfant qui avait tout pour être comme les autres.
Un trouble, non pas une maladie.
Un trouble NEUROLOGIQUE, non pas physique.
Un trouble INVISIBLE au premier coup d’oeil.
A.U.T.I.S.M.E
Un trouble affectant le comportement de l’enfant, laissant souvent croire à plusieurs étrangers que l’enfant est mal élevé. Un trouble affectant les parents, qui se font parfois juger rapidement sur leurs méthodes d’éducation.
Le TED, ou TSA, affecte selon différentes sources, environ 1 enfant sur 150. Dans ces enfants il y en a gravement atteints, certains plus légèrement.
LE TED affecte principalement les sphères sociales et celle de la communication chez l’enfant atteint. On peut voir un enfant qui parle, mais n’a aucune idée comment entretenir une conversation. Le langage étant seulement un outil nécessaire et non un mode de communication social agréable. On peut voir un enfant non-verbal qui semble complètement isolé du monde qui l’entoure. On peut voir un enfant intéressé par les gens, son entourage, mais ne sait pas comment s’y prendre naturellement.
Le TED peut aussi affecter à différents degrés la sphère des comportements : rigidités sévères à la routine, mouvements répétitifs inhabituels, manies, tics…
L’enfant autiste est affecté sévèrement dans les trois sphères.
Mon garçon est autiste moyen.
C’est un enfant souriant. C’est un enfant rieur. C’est un enfant heureux. C’est un enfant calme.
Parfois on sent le besoin de me dire que ce n’est pas si pire. L’autisme est mal connu. Pour la majorité des gens, l’enfant, pour être un “vrai” autiste, devrait être dans un coin, se balancer des heures, sans rire ni sourire. Si tel n’est pas le cas, il n’y rien là, ce n’est clairement pas grave.
Mon garçon est autiste moyen. Oui oui. Ce, même s’il sourit, même s’il rit aux éclats, et même si il me saute parfois au cou étant content de me voir.
Il ne se balance PAS dans un coin. Il n’a pas l’air déficient ou “débile”.
Il parle peu, mais pourtant il connait tout ce qu’il y a a connaitre pour son âge. Ses chiffres et lettres en français et en anglais, écrire son nom, celui de ses soeurs et plusieurs autres mots, les animaux, les sons qu’ils font, les couleurs, formes, les objets qui l’entourent. Il sait que je suis maman, mais ne démontre pas qu’il comprend vraiment ce que ça représente à part le mot qu’il a appris par coeur.
Aujourd’hui il commence à communiquer par la parole avec certaines phrases apprises par coeur. Il connait donc les verbes jouer, manger, boire, enlever, ouvrir, fermer. Il peut adapter quelques phrases au besoin (je veux enlever bracelet, je veux enlever pantalon).
C’est un garçon qui apprend très vite, et qui oublie aussi rapidement. Il peut apprendre à demander de l’aide, avec un petit rappel visuel, et quelques mois plus tard on doit recommencer la travail à zéro.
C’est un petit garçon qui ne fait pas beaucoup de crises. Donnant encore plus raison aux étrangers de dire “qu’il n’y a rien là, qu’il n’est pas si pire”. La crise n’étant pas un des principaux clichés de l’autisme? Pourtant, c’est un enfant qui ne peut quitter la salon pour faire une autre tâche si la télévision n’est pas éteinte. C’est un enfant qui pleure et va s’asseoir pensant être forcé aussitôt qu’on allume la télévision, quittant en larmes son activité du moment. C’est un enfant qui ne comprend pas qu’on veut simplement changer de place un morceau de son jeu, sans nécessairement lui demander de le ranger au complet. Il vit plusieurs peines d’incompréhension dans une journée.
C’est un garçon qu’on pourrait perdre, n’importe où. Qui disparait sans crier gare. C’est un enfant qui ne se retourne pas à son nom spontanément, que ce seul apprentissage demande beaucoup de temps et d’investissement.
C’est un garçon qui comprend maintenant la consigne “viens ici” depuis ses 4 ans. C’est un garçon qui a appris à manipuler un ustensile à 3 ans et demi.
C’est un garçon qui ne mange presque pas. Ses rigidités alimentaires pouvant passer pour du caprice aux yeux de certains.
Pour une maman d’un enfant autiste c’est un combat jour après jour. Un combat avec elle-même, apprendre à se faire confiance, passer par-dessus certaines de ses valeurs pour le bien-être de son enfant. C’est un combat avec la société. C’est devoir expliquer, justifier. C’est bouillir parfois intérieurement face à certains commentaires maladroits qu’elle entend, c’est devoir se taire devant ces commentaires, l’isolant parfois du monde qui l’entoure.
Pour une maman d’un enfant autiste c’est accepter les regards, tristesse, pitié, jugements… C’est faire une épicerie pour son enfant avec le panier d’épicerie rempli de craquelins, pâté à la viande, frites et croquettes, imaginant ce que les gens pensent de la pauvre mère qui nourrit mal son enfant.
C’est voir son enfant se coucher par terre au magasin, que ce soit pour regarder sous les comptoirs, les paniers, pour regarder les lignes dans la céramique. C’est voir les gens qui regardent parfois sans penser offrir de l’aide pour une maman qui essaie de se débrouiller, parfois les mains débordantes des achats du jour.
Pour une maman d’un enfant autiste c’est écouter une mère se plaindre que son enfant parle trop alors qu’elle attend avec impatience les premiers mots de son enfant. C’est entendre les débats sur la bonne alimentation, alors qu’elle voit son enfant ne plus manger. C’est voir un enfant dire à sa mère “Je t’aime” ne sachant pas si son enfant va un jour prononcer ces mêmes mots et comprendre leur signification.
La maman de l’enfant autiste doit découvrir les petits plaisirs de la vie qu’elle croyait au départ acquis. La maman de l’enfant doit apprendre à être heureuse du bonheur des autres, des progrès des autres enfants sans être malheureuse avec les retards du sien. Elle doit apprendre à ne pas en vouloir aux autres qui se plaignent des quelques nuits de sommeil difficile, alors que son enfant ne dort peut-être toujours pas des nuits complètes.
Elle ne doit pas sombrer dans la tristesse quand un parent se plaint de son enfant de 18 ans qui est encore à la maison, quand elle sait qu’elle devra peut-être placer le sien un jour lorsqu’elle ne sera plus dans la capacité de s’en occuper.
La maman de l’enfant autiste fait partie du monde, et pourtant se sent parfois si seule au monde. Elle voudrait parler et être réellement écouter. Elle doit pourtant régulièrement se taire, puisque confier ses peines semble parfois une menace pour les gens qui l’ont “plus facile”. Elle voudrait confier ses joies, tous les progrès de son enfant, mais elle est parfois seule à les remarquer.
Mon garçon est autiste moyen. Il ne parle toujours pas comme un enfant de son âge. Il ne parlera probablement jamais comme vous et moi. Il ne comprend pas comme un enfant de son âge, et les consignes seront probablement toujours difficiles pour lui. Il tourne en rond, il aligne des objets, il joue à se boucher les oreilles sans arrêt, il fait des battements de bras et de jambes. C’est un enfant pas comme les autres.
Moi, je suis une maman comme les autres. Je ne fais ni pitié, je ne suis ni forte, ni courageuse. J’apprends malgré moi à vivre au jour le jour dans la différence, j’apprends à accepter l’incompréhension des autres, et même leur désir de ne pas comprendre, parce que pour eux ce n’est pas important.
J’apprends à faire attention à ce que je dis, pour ne pas blesser, pour ne pas donner l’impression que je me plains… et j’apprends à accepter que les gens ne sont pas tous prêts à faire de même avec moi. J’apprends à garder pour moi des difficultés avec mon enfant parce qu’elles sont instantanément banalisée par comparaison avec “pire”, et j’apprends à écouter les confidences de ces mêmes gens qui eux ont besoin de confier les difficultés de leur enfant. »
Voici la source originale de ce texte très touchant : http://www.autisme.qc.ca/TED/famille-et-proche/temoignages/je-suis-une-maman.html. Merci à son auteure de m’avoir envoyé le lien 🙂
-Stéphanie Deslauriers