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Écrire : une chance?

Par Stéphanie Deslauriers.

En promenant Toutou l’autre matin, je croise un de mes voisins qui fait la même chose. « Argh, je dois me rendre au centre-ville ce matin et y va avoir du trafic », qu’il me dit, après que je l’ai abordé d’un contemplatif : « Aahh…il fait tellement beau, ce matin… ».

Il s’est empressé d’ajouter : « Toi, tu dois être en vacances pour dire ça? ».

N’oui. En fait, je passe mon été à écrire mon prochain livre, que je lui explique.

Je n’ai pas fini ma phrase que je vois son visage changer.

« Aaah ouin… », qu’il lâche, l’air de dire que OUI, je suis en vacances car écrire, c’est tellement pas un vrai métier, surtout. Et travailler de la maison en linge mou implique assurément que…je sais pas. Je sais pas du tout ce que ça implique, en fait. J’aime juste ça être en linge mou.

On se laisse immédiatement après cette courte interaction, où il me rappelle que LUI, il doit aller affronter le trafic.

Bon.

Est-ce que je suis chanceuse de travailler de la maison? Est-ce qu’il est malchanceux d’avoir une job au centre-ville?

N’oui.

Je suis chanceuse pour plein de choses, dans la vie. Chanceuse…

  • d’être née dans une époque où je n’ai pas à travailler dans une shop 14h par jour à partir de l’âge de trois ans
  • d’être née dans un pays favorisé
  • d’avoir pu fréquenté les meilleures écoles publiques en raison de mon lieu d’habitation (en raison du revenu de mes parents)
  • d’avoir reçu le soutien financier de mes parents pour mes études supérieures
  • …et probablement pour plein d’autres affaires que je ne réalise pas ou que je ne sais juste pas.

Et j’en suis très, très reconnaissante. Vraiment.

Mais j’ai aussi travaillé très fort lorsque j’allais dans les meilleures écoles publiques de la province. Quand je suis arrivée à l’Université. Quand j’ai fait le choix de travailler 15-20h par semaine en même temps de suivre 15h de cours et de faire 15-20h de stage. De mettre sur pied ce blogue que vous êtes en train de lire (merci, en passant) en entamant ma maitrise. Quand j’ai presque fait dans mes culottes en postant mon tout premier manuscrit aux maisons d’éditions en me disant : « On verra » (manuscrit que j’avais écrit, tsé). Bref, je pourrais continuer ainsi encore et encore. Je sais, je suis une travaillante.

Et écrire, c’est probablement le métier le plus difficile dans tous ceux que je fais (chargée de cours à l’Université, formatrice, psychoéducatrice, blogueuse, etc.). C’est de l’écriture, de la lecture, de la réécriture, des modifications, des commentaires de l’éditrice, des commentaires de la réviseure, de la réécriture encore, des modifications encore. Jusqu’à sa sortie où pas grand-monde se déplacera à ton lancement parce qu’il y en a tellement d’autres évènements auxquels assister exactement au même moment. Ou pas tant de gens te liront, parce qu’il y a tellement d’autres livres sur les tablettes. Et c’est correct, là. Je me plains pas de ça. Je fais juste dire que c’est dur, écrire. Et que oui, c’est un métier. Une vocation, même.

Alors, si ma vocation me permet, entre juin et fin août, de travailler de la maison en linge mou, entre mes angoisses, mes inquiétudes et mes élans, eh bien, soit! C’est un choix que j’ai fait, une option que j’ai eu la chance d’avoir…et que j’ai prise. Et ça, j’en suis franchement reconnaissante.