Il y a quelques semaines, après avoir reçu un courriel d’une lectrice me disant que mes mots la touchaient, qu’elle écrivait aussi et qu’elle souhaitait travailler en intervention, j’ai décidé de vous faire part, moi aussi, de ce qui m’inspire. Il s’est avéré qu’il s’agit plutôt de « ceux » qui m’inspirent. Et encore là, je devrais dire « de celles qui m’inspirent ». J’ai voulu faire un article pour l’ensemble de ces femmes et je me suis ravisée ; je ne pouvais pas résumer en quelques lignes ce que chacune d’elle m’apporte, m’insuffle. Voici donc la première d’une série de 3, 4, 5, 10, qui sait ! Quand il s’agit de l’inspiration, il n’y a pas de limites. C’est là même la définition de l’inspiration.
J’arrive au Salon du Livre de Montréal, excitée comme une puce. Et nerveuse, un peu, aussi. Je sais qu’il y aura foule et que ça me donnera le tournis. Je sais cependant que je rencontrerai enfin en chaire et en os des lecteurs, des familles, des jeunes, des frères, des sœurs, des éducatrices (et deux éducateurs !). Et que j’aurai l’occasion de voir ou de revoir des auteurs avec qui j’échange via les réseaux sociaux. Que j’assisterai à un cinq à sept (ou plutôt à deux…donc un 10 à 14 ?) plus glamour l’un que l’autre.
Alors que j’assiste au party du groupe Librex, entourée de vedettes du monde littéraire, j’aperçois Nathalie Roy. Et je me revois, quelques mois plus tôt, à la librairie. Fidèle à mon habitude bimensuelle, j’en suis à zyeuter les pages couvertures des livres, à repérer les noms des auteurs que j’aime ou que je ne connais pas encore. Je tombe alors sur un bloc présentant « La vie épicée de Charlotte Lavigne ». Je me rappelle qu’une amie avait grandement apprécié ce roman. « Pourquoi pas ! ». Je m’empare d’une copie, la retourne et parcours l’endos. Le résumé me plait bien ; je suis preneuse. Je lis le court résumé de la vie de l’auteure : « Nathalie Roy est journaliste, réalisatrice et scénariste ». « Chanceuse », que je me dis. « Elle a une carrière de rêve. Et maintenant, un roman. Wow ! ». C’est avec une pointe d’envie que je me rends à la caisse, « Charlotte » 1 et 2 sous le bras.
Quelques mois plus tard, non seulement j’ai littéralement dévoré ses deux premiers tomes, mais j’ai aussi eu la chance de lire le 3e, que dis-je, de l’engloutir ! Entre les tomes, j’ai rencontré virtuellement Nathalie via Twitter puis via Facebook. Le monde étant ce qu’il est, petit, je réalise que c’est une amie d’une amie. Nous échangeons parfois sur les réseaux sociaux. Ma constatation : non seulement est-elle bourrée de talent, mais elle est magnifique ; jolie comme tout, souriante, sympathique. Non mais, quand t’as tout pour toi. Eh bien c’est ça.
Et quelques semaines plus tard encore, je la vois dans une des salles du Hilton, encore une fois tout sourire. Je m’approche d’elle pour la saluer, avec l’attente d’avoir une (trop) brève discussion avec elle qui n’abordera forcément que nos projets d’écriture. Il n’en est rien.
En fait, c’est faux. Nous parlons de « Charlotte »…15 secondes. Puis, Nathalie me parle de ce qui l’a menée à ce personnage : son expérience.
Nathalie a, comme l’endos de ses livres l’indique, travaillé dans les communications. Elle a été longtemps derrière les caméras, avant de vouloir faire un saut à l’avant de celles-ci. Pour ce faire, elle a soigné son image ; perte de poids et cours de diction, a-t-elle décidé. Elle voulait tout mettre en œuvre pour que son rêve se concrétise. Puis, ça y est : elle est en ondes ! Elle fait quelques apparitions télé avant de commencer à ressentir des douleurs physiques.
Rapidement, elle fait un tour sur Internet, à la recherche d’explications, de conseils, d’un diagnostic, qui sait. « Polyarthrite rhumatoïde ». Qui touche trois fois plus de femmes que d’hommes. Qui touche 1% de la population canadienne. Qui se déclare généralement entre 25 et 50 ans. Comme ça. Sans même crier « gare ». Sans avertissement ni préavis. Cette maladie chronique, auto-immune de surcroit, débarque dans la vie des gens qui en souffrent et s’installe tout doucement. Parfois, plus brusquement. Dans aucun cas elle ne s’en va. Elle ne se guérit pas. On vit avec. Et ici, « on » exclut la personne qui parle. Du moins, pour l’instant. Elle pourrait être sournoise, cette maladie. Nathalie, au même âge que moi, ne pouvait prédire qu’elle en serait atteinte dans la trentaine.
Rapidement, elle va consulter son médecin, qui confirme son diagnostic. Rapidement aussi, elle commence à recevoir des traitements. Et les traitements précoces aident à contrôler les manifestations de la polyarthrite rhumatoïde avant qu’elle ne fasse trop de ravages. Des traitements qui coûtent les yeux de la tête, il va sans dire. Qui coûtent les yeux vifs et pétillants de Nathalie. Mais ça, elle ne s’en plaint pas. Elle fait avec.
Rapidement, elle doit quitter les ondes. Car elle doit se reposer, complètement, pour plusieurs semaines, lorsque sa nouvelle coloc fait des siennes. C’est qu’elle est accaparante, celle-là.
Mais rapidement, Nathalie a envie de faire quelque chose de son temps, de son talent, de son énergie peu à peu retrouvée. « Écrire ». Et elle écrit. Et son projet est accepté. Pour un, non deux, ah non trois tomes. Et elle se plonge dans « Charlotte », corps et âme ou plutôt, cœur et âme.
Et c’est ainsi qu’en 2011, le tout premier tome de « Charlotte » est sur les tablettes des librairies. Charlotte, qui est née de l’union forcée entre Nathalie et son arthrite. Charlotte, qui permet à de nombreuses femmes (et à certains hommes aussi) de faire comme leur héroïne : vivre leurs rêves. Ce qu’elles ne savent pas, c’est que leur vraie héroïne est plutôt Nathalie.
Nathalie, qui apprend à vivre avec sa maladie. Nathalie, qui ne s’incline pas devant elle. Nathalie, qui ne s’apitoie pas. Qui a envie de vivre, au plus profond de son être, au plus profond de ses articulations parfois endolories. Nathalie, qui fait aller, dans une valse rythmée, ses 10 doigts sur son clavier, pour se permettre de sublimer son expérience en des mots qui sauront toucher les autres, pour tantôt leur murmurer doucement des mots à l’oreille et tantôt transformer sa douce voix en un rire sincère.
Nathalie a su tirer profit de ses expériences, de ses déceptions, de ses craintes. C’est ce qui lui permet d’avancer, malgré la peur. Ou plutôt, grâce à la peur.
-Stéphanie Deslauriers
Pour visionner le témoignage de Nathalie, allez sur le site “Ma santé, mon avenir“