J’ai rencontré Josiane et Carolane cet automne, alors que mon amie Julie Philippon m’avait invitée à faire partie de son équipe pour « Habitat pour l’humanité », événement auquel participaint également les soeurs Stratis.
Avant ce jour, je ne les avais jamais rencontrées, bien que leurs visages me fussent familiers. En fait, je les connaissais sans le savoir : c’étaient elles, qui se cachaient derrière le blogue TPL (Ton Petit Look et non pas Trouble de la Personnalité Limite, comme je l’ai d’abord cru. D’ailleurs, certaines personnes leur écrivent des messages de colère, croyant à tort que les filles se moquent de ce trouble de santé mentale. Oups).
Deux belles femmes. Pimpantes, vivantes, sympathiques. Vraies, surtout. Et drôles.
Carolane m’a lancée un « That’s my girl » bien senti quand j’ai réussi à faire fonctionner la scie ronde, après avoir répondu, pince-sans-rire, à une personne qui lui avait fait un commentaire sur son anneau de nez (t’sais, un anneau qui n’est pas sur une narine, mais entre les deux narines?) : « Ouais, c’est pour que les gens nous différencient, Jo et moi ».
Ah oui! Parce que les sœurs Stratis sont des jumelles identiques. Et fouillez-moi pourquoi, mais ados, ça leur a valu les railleries de leurs collègues de classe. Ça et parce qu’elles n’avaient pas de seins. Et parce qu’elles ont toujours eu un « humour particulier » et qu’elles sont exubérantes, selon Josiane. Et aussi, parce qu’elles n’ont jamais été des filles de gang.
Quand j’ai appris qu’elles s’étaient fait niaiser plus jeunes, je n’en revenais pas. (Pas que j’en revienne que des jeunes se fassent niaiser…). Parce que je me suis dit : « Hen! Je ne les ai rencontrées qu’une seule fois mais je les ai trouvées tellement…libres! ». C’est clair que si j’avais habité St-Jean-sur-Richelieu, moi aussi, elles auraient été totalement mon genre d’amies.
Libres. Ouais. C’est le mot qui me vient en tête quand je pense à elles. Libres d’être qui elles sont. Libres de jugement. Libres de s’habiller comme elles en ont envie. Josiane m’a dit, à propos de son rapport à son corps : « Je m’accepte parce que je suis trop paresseuse pour m’en faire avec ça ».
Pourtant, elles ne l’ont pas eu facile. « Nous autres, on n’a pas eu droit au petit chemin asphalté. On a plutôt du prendre le chemin de garnotte ». Même si elles viennent de St-Jean-sur-Richelieu. Même si leurs parents ont de l’argent. Même si, jusqu’à ce qu’ils divorcent il y a de cela un an et demi, ils leur payaient la voiture. « Les gens ne comprennent pas que malgré tout ça, ça peut ne pas aller. Parce que nos parents, c’était leur manière de nous donner quelque chose, à défaut d’arriver à nous donner autre chose que du matériel », disent les filles.
Carolane fait d’ailleurs le parallèle avec la première partie du documentaire de Léa Clermont-Dion « Beauté Fatale », paru hier sur les ondes de Télé-Québec. « Les gens ne comprennent pas que quand tu es belle, tu peux ne pas te trouver belle quand même ». Hier, elle a d’ailleurs tenté de faire comprendre ceci à quelques détracteurs de Léa, en vain. « À un moment donné, tu lâches prise. Y’en a qui ne veulent juste pas comprendre ».
Et TPL est parti de ce désir de faire différemment. De véhiculer des valeurs d’acceptation de soi, de son corps, de son apparence, de son poids quel qu’il soit. En tout temps. Pas juste en publiant une couverture avec un mannequin taille plus une fois en 25 ans.
Et ce lâcher-prise, les jumelles croient que c’est un genre de mécanisme de défense, en réaction à une situation familial difficile, à un père qui voulait les faire réagir. Pour se protéger, elles feignaient l’indifférence. Le détachement, sans doute.
D’ailleurs, ce détachement m’a marquée lors de notre conversation téléphonique : cette aisance à parler d’elles, de leurs failles, de leurs bibittes du passé, de leur famille écorchée, du besoin de distance qu’elles ont ressenti l’une envers l’autre il y a quelques années, afin de mieux se retrouver, loin des patterns familiaux négatifs, du désir de contrôle et d’une relation malsaine.
Mécanisme de défense, là aussi? Pourtant, je les sens à la fois très sensibles. C’est ce qui fait d’elles des femmes touchantes, sans aucun doute. Mais j’ai été face à un beau paradoxe de filles détachées qui ne donnent qu’une envie : qu’on s’attache à elles.
Depuis deux mois, j’ai le privilège de faire partie de leur aventure TPL Moms, de voir la communauté qu’elles ont réussi à créer, même si elles ne sont pas des filles de gang.
Alors, Josiane, Carolane, merci d’être aussi libres. Et bravo pour votre résilience.