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Vieillir

Vieillir. On n’a pas le choix. C’est ce à quoi le temps nous prédestine.

Vieillir. On n’a pas le choix. C’est ce à quoi notre corps nous prédestine.

Perdre de ses capacités physiques, de ses capacités cognitives, parfois.

Courir moins vite, voir moins loin, se sentir plus vulnérable.

C’est comme si on était insensible à la réalité des personnes âgées. Parce qu’être vieux, c’est leur destin.

C’est comme si on oubliait que les personnes âgées ont déjà été des personnes, tout simplement. Des bébés, pour commencer, puis des enfants, des adolescents, des jeunes adultes, des plus vieux adultes, qui ont vécu. Qui ont vécu une autre époque, d’autres mœurs, d’autres réalités. Mais qui, comme nous, ont joué, grandi, étudié, travaillé, aimé, fondé une famille, pour certains, noué des liens d’amitié, pleuré la perte d’êtres chers, été déçus de la tournure de certains événements.

On oublie à quel point nos vieux ont à nous apprendre, à nous raconter. Dans plusieurs autres sociétés du monde, les aînés sont les conquérants, les « big shot » d’une communauté. Ici, malheureusement, ils ne sont que des p’tits vieux, qui parlent trop, qui marchent trop lentement, qui ne travaillent plus, qui ne rapportent plus à l’État et qui sont, par conséquent, ennuyants et inutiles.

On oublie toutes les étapes que les personnes âgées doivent surmonter : la retraite, qui peut s’avérer une période difficile pour les personnes actives, qui s’accomplissent dans leur travail, qui n’ont pas une si belle relation conjugale; les multiples maladies physiques comme l’arthrite, qui cause des douleurs atroces; les pertes cognitives, comme le Alzheimer; l’isolement, parce qu’ils n’ont plus une vie aussi active qu’avant, qu’ils ne rencontrent plus de nouvelles personnes, parce que leurs amis commencent à s’éteindre, tout doucement, parce que leur famille, s’ils en ont une, sont débordées avec leur propre famille et leur travail et peut-être même s’éloigne-t-elle un peu, par ennui, parce que les personnes âgées sont plus lentes, moins actives.

Imaginez-vous avoir à surmonter ces difficultés là, là, maintenant. Ou projetez-vous dans l’avenir et tentez de vous voir à la place de ces vieux, que vous méprisez tant.

C’est vous maintenant qui n’avez pas le contrôle sur votre corps, qui n’avez plus autant d’énergie pour accomplir les tâches que vous accomplissiez avant, les deux doigts dans le nez. C’est vous que l’on regarde de haut, et peut-être qu’on ne regarde plus, car vous n’avez plus la peau aussi lisse, les pommettes aussi rouges, le corps aussi svelte que durant votre jeunesse. C’est devant vous qu’on soupire, parce que vous êtes lents à la caisse chez Jean Coutu, à sortir votre p’tit change.

C’est vous qu’on ne vient plus voir à votre centre de petits vieux, parce qu’on a mieux à faire. C’est vous qui avez perdu votre conjoint, décédé il y a quelques mois. C’est vous qui avez ce deuil parmi tant d’autres à faire.

Maintenant, revenez à l’âge que vous avez. Et peut-être qu’en allant à la pharmacie, tantôt ou à l’épicerie, vous pourriez faire un petit effort pour être plus patient devant la personne âgée devant vous, qui est plus lente à payer ses emplettes que vous. Et peut-être que vous pourriez aller rendre visite à votre grand-père; ça fait longtemps, il me semble…

-Stéphanie Deslauriers